Pan Twardowski

Légende polonaise du XVI siècle

Au XVI siècle, vivait à Cracovie, l’un des plus célèbres alchimistes, Pan Twardowski.

Depuis de nombreuses années celui-ci cherchait, comme beaucoup, la pierre philosophale et passait énormément de temps, surtout la nuit, à expérimenter toutes sortes de formules magiques pour transformer le plomb en or.

Ses compétences en matière ésotérique étaient aussi reconnues que celles du docteur Faust, son illustre confrère allemand, avec qui il partageait certaines pratiques, notamment pour appeler le diable.

Pan avait aussi d’excellentes connaissances en médecine et malgré sa personnalité mystérieuse, il n’était nullement mauvais homme. Les Cracoviens, même les plus humbles, ne le sollicitaient pas en vain en cas de maladie car il ne refusait jamais de les soigner.

Une nuit qu’il avait longuement veillé à la lueur des chandelles, il essaya une incantation trouvée dans l’un de ses grimoires. A peine avait-il prononcé la formule qu’une créature apparut dans la pièce. Ses petites cornes rouges, ses sabots et ses griffes ne laissaient aucun doute : c’était bien là Méphistophélès qui se tenait devant lui. Mais, nullement effrayé, Pan engagea la conversation avec son visiteur nocturne et lorsque l’aube arriva, à l’issue d’une longue, très longue discussion, ces deux êtres s’étaient mis d’accord pour signer un pacte :

Celui-ci stipulait que l’alchimiste acceptait de vendre son âme au diable et, qu’en échange, ce dernier consentait à exaucer tous ses souhaits. Selon cet accord, Satan viendrait le chercher lorsqu’il le trouverait à Rome. Pan riait sous cape, pensant qu’il avait joué là un bon tour au cornu, car il se garderait bien de s’y rendre

Avec les années, le médecin/alchimiste était devenu riche et comblé. Il s’amusait même à considérer le diable comme un simple serviteur, tant et si bien que ce dernier, excédé, décida de prendre les choses en main, comprenant que le magicien ne se rendrait jamais dans la ville italienne à moins d’y être forcé.

Dans le plus grand secret, il fit construire une auberge à la sortie de la ville. Et un soir, alors que la nuit était tombée, il fit appeler Pan sous le prétexte qu’on le réclamait au chevet d’un enfant malade. Ce dernier, qui malgré tout, était resté un médecin dévoué, s’empressa de monter dans la calèche qui l’attendait. Le cocher l’arrêta devant une auberge qu’il s’étonna un peu de n’avoir jamais vue, avant d’y entrer sans méfiance.

Là, Belzébuth apparut, triomphant.

« – Ton âme est à moi », claironna-t-il.

Et il montra, à un Pan médusé, l’enseigne de l’auberge qui portait le nom de « Roma ».

Aussitôt, le diable s’empara du magicien et ils commencèrent à s’envoler, le pauvre homme serré entre les griffes de l’affreuse créature. Désespéré, ce dernier commença alors à prier et ce, de plus en plus fort, jusqu’à hurler à tue-tête. Ils étaient arrivés près de la lune, lorsque Satan, totalement déstabilisé par ces prières, qu’il ne s’attendait pas à entendre dans la bouche d’un tel homme, desserra son étreinte, ce qui permit à Pan de s’accrocher à l’astre de la nuit avant que son adversaire ne disparaisse dans de lugubres gémissements.

Mais notre alchimiste paya très cher son aventure avec la Bête, puisque depuis ce jour funeste, il n’a jamais trouvé le moyen de redescendre. Il vit là, bloqué, seul sur l’étoile pâle et comme il a la nostalgie de sa ville, on dit que son valet, prenant l’aspect d’une araignée, le rejoint une fois par mois, pour lui ramener les derniers potins cracoviens.