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La maison maternelle

Mme Breuzon, 85 ans en 2024, raconte l’histoire de sa mère, Mme Jeanne Bernard et évoque, pour nous, tous ses souvenirs liés à la maison maternelle de Crégy.

Jeanne, célibataire, arrive en mai 1939 à la maison maternelle. Elle est nommée en tant qu’infirmière-visiteuse au centre de puériculture de Crégy par Monsieur le préfet René Tomasini. Pour ce poste, l’administration exige l’achat d’une voiture à ses frais. Elle recevra en retour, 10 000 frs pour ses frais de déplacement puisqu’elle doit assurer la surveillance, trois fois par semaine, des enfants placés chez les nourrices. Cela lui permettra, également, de transporter les femmes à l’hôpital de Meaux pour accoucher.

Fin 1940, Mme Merlin, la directrice de l’établissement tombe malade, il faut la remplacer ! De ce fait, Jeanne devient directrice ainsi que régisseuse-comptable, le poste d’infirmière-visiteuse étant repris par une autre personne qui, malheureusement s’en ira, elle aussi, en 1943. Notre pauvre Jeanne va porter, à partir de ce moment, les casquettes de directrice, comptable et infirmière !!!

Elle restera jusqu’en 1945 avant de partir dans le Doubs pour prendre la direction d’une autre maison maternelle départementale

Quant à Mme Breuzon, ce n’est qu’un bébé lorsqu’elle arrive à la « MM (maison maternelle)», comme la surnomment les pensionnaires et malgré son jeune âge, elle garde des souvenirs très précis de cette période « extraordinaire ».

En effet, en juin 1940, lors de l’exode, sa mère Jeanne évacue la maison maternelle en emmenant, avec elle, sa fille et 6 autres enfants. Ils partent, en voiture, vers la zone libre…

Quelques mois plus tard la petite fille est de retour à Crégy. Elle assiste, par la suite, à l’arrivée de troupes allemandes dans la propriété de la Tuilerie. Elle garde l’image d’une grande silhouette qui s’encadre, à contre-jour, dans la porte de la salle à manger. C’est un officier allemand qui fait claquer ses bottes.

Une nuée de véhicules s’installe dans le domaine, les tanks sont dirigés vers le fond du parc. Les soldats tendent des fils électriques à partir du pavillon du gardien.

Des détails lui reviennent comme les fenêtres qui sont occultées par du papier bleu. Un jour, alors qu’elle accompagne l’aide de cuisine pour nourrir les cochons, elles tombent nez à nez avec deux soldats en train de faire leur popotte. L’un d’eux tend à Marie-Jeanne un œuf au plat sur du pain noir mais l’aide de cuisine s’en saisi et jette le tout aux bêtes. 

Une autre fois, après un bombardement sur Lagny, alors que les adultes sont très occupés par l’évènement, elle est laissée seule à jouer aux cartes toute la journée et une nuit, elle est réveillée par des voix au rez-de-chaussée. Ce sont des hommes qui accompagnent un parachutiste blessé. Elle ne sait pas ce qu’ils font là, peut-être lui donnent-ils les premiers soins ? En revanche, ce qu’elle sait, c’est que sa maman, en souvenir, gardera avec elle un bout de toile du parachute et Mme Breuzon en conserve encore aujourd’hui un petit morceau.

Lors d’une alerte, elle doit s’abriter dans un abri anti-aérien qui se trouve derrière la propriété.

Elle assiste aussi, en 1944, à l’arrivée des Américains à Crégy. Pour l’occasion, elle porte une jupe à rayures bleu, blanc, rouge. Avec tous les habitants de la maison maternelle, elle s’installe sur le muret qui borde l’avenue Henri Magisson pour les acclamer.

Les GI’s s’installent, à leur tour, dans la propriété. Elle se souvient parfaitement des jeeps près de la maison, sous les grands arbres et des soldats qui distribuent des bonbons et des chewing-gums. Ce sera, pour elle, l’occasion de manger sa première orange !

La petite fille vit avec sa mère au premier étage du bâtiment principal, leurs fenêtres donnent sur les grands arbres. Elle joue librement dans cette grande propriété où l’on trouve notamment un potager et un gros trou (ancienne carrière de gypse) ainsi qu’une « terrasse » où poussent des arbres fruitiers et de la vigne sur des filins.

Dans le parc, elle côtoie un paon, des chèvres, des cochons qui mangent les eaux grasses et les épluchures.

Et pour l’école, direction Meaux et l’institution Ste Geneviève, c’est le laitier qui la descend parfois en voiture.

Son expérience à la maison maternelle de Crégy fut-elle décisive pour sa vie professionnelle ? Toujours est-il que Marie-Jeanne Breuzon est devenue infirmière comme sa maman !